Constitution ?





Bureau du député de Portneuf et
président de la Commission des institutions
M. Roger Bertrand

RAPPELS HISTORIQUES

 



LE RÉGIME CONSTITUTIONNEL CANADIEN :
CE QUE NOS PREMIERS MINISTRES EN ONT DIT DEPUIS 1867



Dès l'origine, les tendances lourdes de la nouvelle "fédération" canadienne de 1867 ne tardent pas à se confirmer, ce qui amènera pratiquement tous les premiers ministres du Québec qui se succèderont à décrier ce régime confédéral centripète.

Voici certaines déclarations d'un de nos grands premiers ministres, Honoré Mercier, tel que rappelé par l'historien Jacques Lacoursière, dans son Histoire populaire du Québec, 1841-1896. Dès 1886, le premier ministre dénonce en campagne électorale ce fédéralisme centralisateur :

« Considérant que l’autonomie des provinces est en péril ; Qu’à Québec comme à Ottawa, la politique des deux gouvernements associés prépare la ruine de notre indépendance provinciale ; Que le pouvoir fédéral poursuit d’années en année le cours de ces empiétements législatifs, par une série de mesures, telles que l’Acte des licences, l’Acte des chemins de fer, plus récemment, l’Acte de franchise électorale qui a été substitué, sans raison, aux législatures provinciales, et qui a soustrait aux pouvoirs municipaux leurs prérogatives dans la confection des listes électorales ; Que ces mesures centralisatrices sont le résultat d’un système de gouvernement dont le but tend manifestement à détruire les garanties stipulées à l’époque de la Confédération et à imposer aux provinces, petit à petit, le régime de l’union législative ; Que ce péril, ne saurait être conjuré que par l’existence d’une administration provinciale fortement constituée, agissante, économe des deniers publics, indépendante du pouvoir central et fortifiée par l’appui du sentiment populaire ; (…) »

En 1890, le Parti national de Mercier centrera sa campagne sur le thème de l’autonomie provinciale. Le 16 mai, le chef déclare :

« La lutte qui va s’engager est d’une importance majeure pour la province de Québec : il s’agit de son autonomie et, conséquemment, de ses plus chers intérêts. Les provinces vont-elles rester souveraines dans leurs attributions légitimes, ou devenir esclaves du pouvoir fédéral ? Voilà la question principale qui est soumis à l’électorat dans l’élection qui commence. C’est une question extrêmement grave, car de sa solution dépend nécessairement la vie ou la mort de la Confédération. En effet, si les provinces cessent d’être maîtresses chez elles et deviennent esclaves du pouvoir fédéral, la ruine de la Confédération arrivera nécessairement et dans un court délai. Si, au contraire l’autonomie des provinces est maintenue dans son intégrité, l’union fédérale sera maintenue plus forte que jamais sous une forme ou sous une autre. »

Enfin, le 4 avril 1893, Honoré Mercier dans un de ses derniers discours, à l’allure d’un testament politique, disait :

« Je suis convaincu – et je mourrai avec cette conviction – que l’union du Haut et du Bas-Canada ainsi que la Confédération nous ont été imposées dans un but hostile à l’élément français et dans l’espérance de le voir disparaître dans un avenir plus ou moins éloigné. »

Voici maintenant un extrait plutôt révélateur et instructif d'un livre publié par un autre de nos premiers ministres, monsieur Félix-Gabriel Marchand, au tournant du XIXe siècle. Au terme de sa vie publique, politique et littéraire, le jugement qu'il porte sur le régime constitutionnel canadien est plutôt décapant. Il annonce ce que ce régime deviendra peu à peu jusqu'à ce jour.

F. G. Marchand, Mélanges politiques et littéraires, C.O. Beauchemin et fils, Libraires-Imprimeurs, Montréal, 1899, pp. 352-353.

"Le Canada relève de la métropole anglaise par son éducation politique et par ses traditions parlementaires ; mais il est assimilé aux Etats-Unis par sa condition matérielle, par ses particularités locales. Comme ceux-ci, il possède un territoire immense, dont les diverses régions diffèrent essentiellement par le climat, les productions, les croyances et les origines populaires.

"C'est à cause de cette étrange combinaison de circonstances, de ressemblance partielle à deux modèles distincts, que les auteurs de notre constitution ont cherché à lui donner un caractère mixte, participant à la fois de deux régimes différents : union fédérale par la forme, unité politique par le fonctionnement ; alliance hybride de deux systèmes opposés.

"Mais, grâce aux prédilections bien connues du plus influent des auteurs de cette nouvelle constitution [Selon Gérard Bergeron, il s'agit évidemment de John A. Macdonald], l'idée centralisatrice a présidé à sa création. On nous a dotés, par un compromis regrettable, d'une confédération, unique en son espèce, dont l'organisme est l'opposé du système fédératif tel qu'il a été compris jusqu'à nos jours.

"Le véritable principe fédéral comprend le concours de plusieurs États, indépendants et souverains chez eux, déléguant à un gouvernement central de leur création, certains pouvoirs limités et définis, pour des objets d'intérêt commun. La devise : E pluribus unum est l'expression la plus exacte de ce principe, dans le sens qu'on lui donnait avant l'existence de notre confédération canadienne.

"Celle-ci fait exception. Comme l'a déclaré dans une discussion parlementaire, un de ses fondateurs les plus autorisés, sir Georges Cartier, elle peut se définir par la contre-partie de la devise citée plus haut : Ex uno plures, ce qui signifie, en bon français, un pouvoir fédéral omnipotent d'où émanent des pouvoirs locaux.

"C'est l'édifice fédéral renversé."