Un autre coup de force fédéral...



Québec, le 30 mai 2001 - Depuis plus de deux ans, l’ensemble des intervenants en matière de jeunesse ainsi que les parlementaires du Québec, toutes allégeances confondues, dénoncent haut et fort la stratégie du gouvernement fédéral visant le renouvellement du système de justice pour les jeunes.

Les demandes concertées du Québec n’ont pas réussi à ce jour à ébranler le gouvernement fédéral ni à lui faire comprendre les enjeux fondamentaux d’une telle réforme. Force est de constater que le gouvernement fédéral refuse d’entendre cette voix unanime puisque le projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a été adopté hier. Le gouvernement fédéral a donc rejeté du revers de la main la demande unanime du Québec sur cette question.

Mais le gouvernement du Québec ne baisse pas les bras et nos représentations se feront prochainement au niveau du Sénat. En effet, cette réforme risque de mettre en péril le modèle de réhabilitation que le Québec a mis en place et qui offre aux jeunes contrevenants un traitement adapté à leurs besoins tout en assurant la protection de la population. En voulant élever les jeunes contrevenants au rang de criminels adultes, ils seront privés de la seule possibilité qui leur est offerte de pallier aux lacunes éducatives et personnelles dont plusieurs d’entre eux ont souffert.

Et pourtant, les statistiques prouvent l’efficacité de notre système actuel puisque le taux de criminalité juvénile connaît une baisse constante au cours des dernières années, particulièrement au Québec dont le taux de judiciarisation et de placement sous garde est le plus faible au Canada.

Cédant sous la pression des provinces de l’ouest qui souhaitent un durcissement de la loi, le gouvernement fédéral nous oblige à rompre avec l’approche traditionnelle québécoise axée sur l’individualisation de la peine en regard de la situation et des besoins de l’adolescent. On remplace plutôt cette approche en mettant l’accent sur la nature de l’infraction perpétrée par l’adolescent. Le cœur du projet de loi est axé sur la gravité de l’infraction et non plus sur l’adolescent qui l’a commis. En voulant élever les jeunes contrevenants au rang de criminels adultes, on semble oublier qu’il s’agit d’êtres humains en pleine formation dont les besoins et l’esprit sont différents de leurs aînés.

Dans le cadre de la commission parlementaire qui a été tenue les 15 et 16 mai dernier à l’Assemblée nationale, madame Cécile Toutant de l’Institut Pinel nous a dit que la Loi sur les jeunes contrevenants constituait un bon équilibre entre la responsabilité de l’adolescent et l’importance de considérer ses besoins.

Sans reprendre l’ensemble des témoignages qui ont été entendus, des constantes sont revenues tout au long des deux (2) jours de commission par les experts qui ont été entendus, dont des policiers, des intervenants sociaux et des avocats spécialisés en matière de jeunes contrevenants :

 

Et surtout :

Pour ce qui est des professionnels du milieu juridique, rappelons que l’Association québécoise des avocats de la défense, l’Association des jeunes barreaux du Québec et l’Association des substituts du procureur général réclament le maintien de la loi actuelle et ils dénoncent le caractère inapproprié du projet de loi C-7.

Le gouvernement du Québec n’a pas l’intention d’abandonner ses jeunes en difficulté. Malgré l’imminence de l’adoption du projet de loi, j’ai l’intime conviction que si nous faisons entendre notre voix haut et fort, nous réussirons à convaincre le gouvernement fédéral de l’inutilité de sa réforme. C’est d’ailleurs le message qu’a lancé l’Assemblée nationale le 23 mai dernier en adoptant une résolution unanime demandant au gouvernement fédéral d’aménager dans le projet de loi C-7, un régime spécial pour le Québec, en l’occurrence la Loi sur les jeunes contrevenants.

Ce droit de retrait peut être accordé au Québec dans le plus grand respect des principes de droit constitutionnel. Il existe de nombreux précédents dans la législation fédérale, validée par la Cour suprême du Canada, sur lesquels le gouvernement fédéral peut s’appuyer pour légiférer dans le sens réclamé par le Québec.

Cet précédents constituent une réponse en soi mais au-delà du droit constitutionnel et des enseignements de la Cour suprême, il existe des jeunes dans toutes les régions du Québec qui vivent de petits et de grands drames et qui méritent que l’on s’occupe d’eux. Nous devons donner à ces jeunes l’espoir d’un avenir meilleur auquel le système judiciaire adulte de pourra jamais contribuer.