Communication



Michel Trottier, Suzanne Belzile et 
Roger Bertrand

Notes pour l’allocution de
Monsieur Roger Bertrand
Député de Portneuf
Président de la Commission des Institutions

Au nom de Mme Linda Goupil,
ministre d’État à la Famille et à l’Enfance,
ministre responsable des Aînés,
ministre responsable de la Condition féminine,
ministre responsable, région Chaudière-Appalaches.

24e Congrès de l'Association québécoise de gérontologie
Hôtel Plaza Universel, Sainte-Foy
Le 10 novembre 2001 – 9 h 05

 



Monsieur Trottier, président de l'Association québécoise de gérontologie (AQG),

Madame Belzile, présidente de l'AQG, région de Québec/Chaudière-Appalaches,

Chers amis,

Permettez-moi, au nom de ma collègue, de remercier les responsables de ce 24e Congrès de l’Association québécoise de gérontologie pour l’invitation à venir vous adresser la parole. Cet événement témoigne de la préoccupation de l’Association de continuer — comme elle le fait depuis bientôt un quart de siècle — à resserrer les liens entre ses membres et à nourrir leur réflexion dans un contexte d’échange et de partage.

En vous permettant, en effet, mesdames et messieurs, de partager votre expertise particulière dans le domaine, et d’échanger autour de thèmes reliés à votre champ d’intérêt, ces assises vous offrent un lieu de ressourcement privilégié. Le thème du plaisir associé à ce congrès — qui jette une autre lumière sur la vieillesse et lui confère une approche positive — ne peut laisser personne ici indifférent. Il rejoint tous ceux et celles pour qui la vieillesse doit constituer, dans la mesure du possible, une étape de la vie aussi riche, sinon davantage, que celle qui a précédé.

En préparant à cette rencontre avec vous, aujourd’hui, on a consulté Le Petit Robert sur la signification du mot « plaisir ». On y retrouve toute une colonne où, en complément de diverses définitions, sont colligées une foule de citations allant de Zola à Colette, en passant notamment par La Fontaine, Gide et Voltaire pour qui le plaisir est l’objet, le devoir et le but de tous les êtres raisonnables. En plaçant le plaisir au rang d’un des devoirs de l’être humain, ce grand philosophe, reconnu également comme un moraliste pratique, donne au mot une dimension qui nous amène à repenser notre rapport au plaisir.

Le plaisir, vous le savez, est souvent vu comme étant source de culpabilité, quelque chose de vain. Alors que, en réalité, il devrait constituer le moteur premier de nos actes, nous permettant ainsi de faire face aux mille et une exigences de l’existence et de nous réaliser comme êtres humains. Le plaisir alors, oui, devient un magnifique devoir ; une obligation pour chacune et chacun à tendre vers ce qu’il y a de meilleur et de plus bénéfique à son épanouissement, et ce, à toutes les étapes de la vie. Que l’on ait 40 ans, ou deux fois cet âge, le plaisir d’aimer et de donner, de créer, d’enrichir ses connaissances, de relever sans cesse de nouveaux défis, le plaisir de partager et celui de se vouer à une cause, sont autant de motifs de se lever chaque matin. Et de dire oui à la vie.

Cicéron, ce grand orateur latin d’avant l’ère chrétienne, était convaincu que si on peut se nourrir d’étude et de sciences, rien n’est plus agréable qu’une vieillesse tranquille. Mais Cicéron ne considérait pas seulement les plaisirs de l’esprit comme pouvant accompagner agréablement la vieillesse puisqu’il ajoute : À tous les plaisirs champêtres, la vieillesse ne fait pas obstacle ; au contraire, elle nous y invite et nous encourage. L'âge, même avancé, n’interdit pas de pratiquer l’agriculture. Comme vous le voyez, ce n’est pas d’hier que les grands penseurs et les humanistes ont placé le plaisir d’être et de faire au rang des priorités de l’individu.

L’histoire fourmille d’exemples de personnages que le plaisir et la satisfaction ont poussé à réaliser de belles choses à un âge avancé. Aujourd’hui — alors que l’espérance de vie s’allonge de plus en plus — ils sont nombreux ceux et celles qui témoignent aussi de leur plaisir à poursuivre sur la voie de la découverte et de l’enrichissement personnel. À cet effet, je vous invite à parcourir le numéro de novembre du magazine LE BEL ÂGE. On y retrouve les témoignages du scientifique Pierre Dansereau qui, toujours alerte à 90 ans, avoue avoir encore quantité de projets inachevés dans ses cartons. Celui également de la musicologue de renom, Maryvonne Kendergi, bien connue des auditeurs de Radio-Canada. Malgré le fait qu’elle éprouve certains ennuis de santé — dont elle parle avec humour comme « des délices du 8e âge » — cette femme énergique trouve toujours plaisir et réconfort à demeurer en contact avec les jeunes compositeurs de musique contemporaine.

Janine Sutto, Françoise Faucher, Gérard Poirier, qui ont depuis longtemps dépassé le cap des soixante-dix ans, témoignent également du plaisir de jouer encore avec passion. Et puis, le père dominicain, Benoît Lacroix, homme de grande culture, auteur et conférencier recherché — que vous aurez, d’ailleurs, le privilège d’entendre cet après-midi — met en lumière l’importance de tisser des liens avec les autres comme l’un des éléments indispensables à une vieillesse heureuse.

Au Québec, il y a parmi les personnes dites du troisième âge, comme chez celles du quatrième et même du cinquième âge, des milliers de femmes et d’hommes qui ont développé leur capacité au plaisir et au partage des émotions. Refusant de s’étioler en vivant dans le passé, elles se considèrent en parfaite adéquation avec leur époque, et entendent bien traverser leur dernier versant de montagne en profitant de tous les plaisirs offerts sur le chemin ; notamment, les plaisirs associés à l’ouverture d’esprit, au savoir et à la découverte, au dépassement. Ce faisant, ces aînés deviennent une source d’inspiration et de changement pour la société, des phares pour les générations montantes à qui elles ont préparé l’entrée dans ce nouveau millénaire.

Ce type d’attitude et de comportement contribue à défaire les préjugés et à affaiblir les stéréotypes concernant la vieillesse. Mais, avant toute chose, ils sont d’abord bénéfiques à la personne elle-même. Ainsi, la comédienne Louisette Dussault avouait dans une entrevue que le plaisir avait contribué à modifier sa vie. Dès qu’on laisse entrer le plaisir dans son esprit, dit-elle, on se transforme. Même physiquement. Je remarque, par exemple, qu’à force de rire et de sourire, il y a des rides que j’avais à quarante ans et que je n’ai plus maintenant. Le bonheur, ça transparaît dans le visage…

Je considère, tout comme ma collègue, important de préparer ma propre vieillesse en cultivant le plaisir de vivre à travers les différents pôles de ma vie actuelle. Je sais que, jusqu’à un certain point, on demeure ce qu’on a été. Cicéron le savait bien, lui qui a écrit : Les vieillards intelligents, agréables et enjoués supportent aisément la vieillesse, tandis que l’acrimonie, le naturel chagrin et la morosité sont fâcheux à tout âge. Comme ce grand Sage, qui n’acceptait pas que la vieillesse soit renfrognée, je suis convaincue, et vous l’êtes aussi sans doute, que les cheveux blancs et les rides ne confèrent pas une soudaine respectabilité. Si, parvenus à la vieillesse, nous atteignons cet état d’être, ce sera en grande partie parce que nous aurons su développer et enrichir notre personnalité. En prenant plaisir à le faire.

JE VOUS REMERCIE, AU NOM DE MA COLLÈGUE LINDA GOUPIL ET EN MON NOM PERSONNEL, DE VOTRE ATTENTION ET VOUS SOUHAITE DE FRUCTUEUX ÉCHANGES.