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... paru dans Le Soleil, 18 septembre 2000





 

L’envers de la médaille!

 

par Roger Bertrand

 

Au cours des prochaines semaines et en vue d’un rapport qu’elle présentera en décembre, la Commission d'étude sur les services de santé et les services sociaux sondera les reins et les cœurs sur les enjeux auxquels fait face le système public de santé et de services sociaux et sur les avenues de solutions. Elle invite notamment les intéressés à axer les débats autour de l'organisation des services et du financement du système.

On peut le comprendre. Le système des services de santé et des services sociaux, le traitement des maladies notamment, fait toujours aujourd’hui l’objet d’énormes tensions malgré les efforts consentis par le présent gouvernement et la plupart de ceux qui l’ont précédé depuis l’instauration du régime public.

On s’entend : des correctifs sont nécessaires et les recommandations de la commission sont déjà très attendues. Cependant, d’autres correctifs seront aussi requis dans 5 ou dans 10 ans et ainsi périodiquement, afin d’ajuster le fonctionnement et le financement d’un système de cette ampleur à l’évolution des caractéristiques de la population et de la société dans son ensemble. À cet égard, rien de vraiment nouveau sous le soleil.

Ce qui serait vraiment nouveau et porteur pour l’avenir du système de santé au Québec, c’est qu’on en vienne à s’intéresser tout aussi sérieusement à l’envers de la médaille, à cette solution malheureusement toujours cachée et oubliée du vaste secteur de la santé que sont la promotion et la prévention. Pourquoi? Essentiellement parce que la qualité et l’organisation des soins de santé n’est qu’une des réponses à la maladie, aux pertes de jouissance de la vie ou aux décès prématurés. Les habitudes de vie et l’environnement comptent tout autant, sinon davantage. En fait, au point où nous en sommes, i.e. avec le système de soins et de services que nous possédons déjà et sous réserve de certains ajustements, les gains les plus importants en matière de santé proviendront certainement des changements que nous pourrons provoquer dans nos habitudes de vie (à une fraction du prix d’ailleurs) et notre environnement.

Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas de minimiser l’importance de l’approche curative. Il faut bien soigner la maladie et le mal-être de la meilleure façon possible. Mais passé un certain niveau d’investissement de ce côté, le rendement d’injections additionnelles devient marginal, les gains les plus importants provenant alors de la promotion et de la prévention en matière de santé et de mieux-être.

Un message qui n’est pas nouveau pourtant!

Le remède est pourtant bien connu et la prescription, singulièrement récurrente. Qu’on se rappelle le rapport Lalonde en 1974 qui recommandait d’investir massivement du côté de la biologie humaine, des habitudes de vie et de l’environnement. On se rappellera également le rapport de la Commission Rochon qui soulignait la nécessité d’une approche collective de la santé, une approche de population dont deux des quatre objectifs fondamentaux devaient être la prévention des problèmes de santé et la prévention des problèmes sociaux.

C’est le cap que, comme société, l’on n'a pas réussi à franchir encore. Quand on sait que 50% des décès prématurés et des maladies peuvent être attribués à un style de vie peu sain ou qu’alternativement, la santé est influencée à plus de 50% par les seuls modes de vie (c’est-à-dire la nourriture que l’on consomme, les substances que l’on absorbe (caféine, alcool, tabac et autres drogues), l’activité physique que l’on pratique ou pas, le sommeil et le repos, les comportements à risques (conduite automobile, pratiques sexuelles), etc) contre à peine plus de 10% pour le système des services de santé, il est difficile de réaliser qu’aucun État au monde n’a encore, du moins à ma connaissance, pris courageusement le virage santé publique, promotion et prévention. S’il est un secteur où nous pourrions et devrions être les premiers, c’est celui-là.

Mais par où commencer?

Au risque de paraître simpliste, je suggère que si les modes de vie ont une telle importance sur la santé, on s’y intéresse prioritairement. L’indication devra venir de haut et interpeller plusieurs secteurs, dont l’éducation au premier titre. L’approche doit être populationnelle et tout à la fois, viser chaque personne.

Nous devons prendre en charge la plus grande partie de notre santé et notre mieux-être global (holistique diraient les experts). Nous devons développer l’autonomie et la responsabilité des personnes envers elles-mêmes et les autres à tout moment et à toutes les étapes de la vie. La bonne santé n’est pas seulement une question de chance, c’est tout aussi, sinon davantage, un mode de vie qui découle d’un ensemble de choix : s’alimenter de façon équilibrée, faire régulièrement un sain exercice physique, apprendre à gérer les stress, s’abstenir de fumer, mener une vie sexuelle saine, consommer des boissons alcooliques de façon modérée, éviter les drogues, dormir suffisamment, ne pas oublier l’hygiène corporelle, prévenir les blessures à la maison, au travail, conduire de façon sécuritaire, être capables d’administrer les premiers soins en cas d’urgence, et le reste.

Mais comment, par où commencer? Les options ne manquent pas. Par exemple, pourquoi ne pas commencer par des ÉCOLES EN SANTÉ, un mouvement international soutenu par l’organisation mondiale de la santé? Pourquoi ne pas encourager l’éducation physique moderne à l’école et dans la société? Pourquoi ne pas faire de l’éducation à la santé et de l’éducation physique les deux piliers du virage? À suivre...