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Le maillon faible?

 

par Roger Bertrand

 

Dans un texte d’opinion paru dans l’édition du 18 septembre dernier, j’attirais l’attention des lecteurs sur des solutions porteuses pour l’avenir du système de santé au Québec, soit la promotion et la prévention. J’aimerais compléter les indications d’alors par quelques considérations plus politiques.

La plupart des experts le confirment : sans nier la nécessité de résoudre certaines difficultés d’organisation et de financement du côté curatif, on doit intervenir davantage en amont des problèmes de maladie et de mal-être. Pour cela, il faut accorder à la prévention et la promotion l’espace qu’ils devraient normalement occuper dans l’éventail des solutions.

Mais qu’est-ce qui l’empêche jusqu’à présent?

La " santé " est un sujet chaud, sensible politiquement. L’agenda des partis politiques, toutes tendances confondues, les perspectives de prochaines élections par exemple, incitent invariablement l’Opposition officielle à monter en épingle les cas les plus susceptibles de faire mal paraître le Gouvernement. On réclamera davantage de ressources où sont en apparence les solutions, aidés en cela par les milieux les plus susceptibles d’en profiter directement, ceux-là qu’on appelle " les acteurs du réseau ".

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), à la page 5 du mémoire qu’elle a présenté lors des récentes consultations régionales sur le système de santé et de services sociaux, décrit très bien le phénomène:

" Certains de ces problèmes [... d’accès aux services de santé] sont très largement médiatisés, surtout ceux qui permettent plus facilement de développer un rapport de négociation pour les budgets des établissements et des médecins comme c’est le cas des listes d’attente en chirurgie cardiaque ou en radio-oncologie ou l’engorgement des urgences. (...) Notre analyse est que, depuis quelques mois, il y eu des réinvestissements dans le réseau mais que ce sont ceux qui ont crié le plus fort et dont les cris ont été fortement médiatisés qui ont fait bonne récolte. "


Cette dynamique n’est-elle pas le maillon faible du système?

En effet, on en vient à faire croire que l’ensemble va mal, alors que les utilisateurs des services sont en écrasante majorité satisfaits des services reçus. Ceux et celles qui sont réputés ne pas les avoir utilisés deviennent rapidement inquiets ou insatisfaits. Ils régleront bien leurs comptes au prochain tournant.

Quand par calcul politique, certains sont prêts à provoquer, même involontairement, la perte d’un système de solidarité sociale aussi fantastique que celui que nous possédons et que nos prédécesseurs nous ont légué avec confiance, quelque chose ne fonctionne plus dans la Cité.

Nous avons déjà l’essentiel des ressources nécessaires, humaines, matérielles et financières, pour réussir. Tout en cherchant constamment à améliorer l’accessibilité à l’ensemble des services de santé et des services sociaux, le fait d’investir davantage en amont des problèmes donnera à chacun, en aval, plus d’espace pour exercer ses talents et surtout, le client, le citoyen, le patient, vous et moi, serons gagnants.

Aussi, ne manquerait-il actuellement qu’un peu plus de discernement et de sens des responsabilités dans la façon d’intervenir de certains acteurs politiques? Poser la question...