LE DRAPEAU





Bureau du député de Portneuf et
ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux,
à la Protection de la jeunesse et à la Prévention
M. Roger Bertrand

BILLET

 

FRANÇOIS PARENTEAU, REPORTER
CBF, MONTRÉAL, «SAMEDI ET RIEN D’AUTRE»

Montréal, le 14 décembre 2002 - J’ai toujours été fasciné par les drapeaux. Quand j’étais petit, je pouvais passer des heures à regarder les drapeaux du monde à l’endos de la couverture du dictionnaire Larousse. C’est plein de couleurs vives et de symboles mystérieux. Je les savais tous par cœur. Je trouvais les Brésiliens chanceux d’avoir un drapeau si cool. Plus tard je les ai trouvés chanceux pour d’autres raisons. Mais j’étais quand même content qu’on n’ait pas un drapeau comme celui de Chypre, qui est blanc avec une cuisse de poulet au-dessus de deux branches de thym. Je sais ben que c’est la forme de l’île de Chypre, mais quand ton pays ressemble à une cuisse de poulet à ce point-là, il me semble que tu t’arranges pour au moins ne pas le mettre en jaune sur ton drapeau.

Et puis je me suis rendu compte que mon vrai drapeau à moi, celui du Québec, ne s’y trouvait pas. C’était parce que le Québec n’était pas un pays. Je trouvais ça plate. Je me disais on a un beau drapeau, ils auraient pu le mettre quand même. Mais non. Il faut être indépendant pour avoir son drapeau dans le dictionnaire. Il y en a tout plein des drapeaux qui ne sont pas sur l’endos du dictionnaire.

C’est tout bête mais c’est le genre de détail d’enfance qui marque pour la vie. Plus tard on se met à lire le journal, à regarder les nouvelles, à prendre des bières et à refaire le monde. On raffine sa pensée, on se trouve de bons arguments, on se situe dans un contexte de mondialisation. Mais au fond, on veut juste voir son drapeau sur l’endos du dictionnaire.

On dit beaucoup de mal à propos des drapeaux. C’est vrai qu’ils sont souvent associés à de bien vilaines démonstrations humaines. Ce n’est que de l’étoffe qui flotte au vent et pourtant on peut déclencher des guerres en leur nom. Ils sont à leur mieux les jours de fête. C’est si con d’agiter un drapeau, mais ça demeure un des gestes les plus festifs qui soit. Il suffit d’aller squatter la parade des Brésiliens quand ils viennent de gagner le Mundial pour s’en rendre compte. Il suffit de voir le défilé de la fierté gaie ou encore de voir les Timorais célébrer leur accession au dictionnaire. Pouvoir agiter librement un drapeau auquel on s’identifie est un symbole puissant.

Jean Chrétien n’a d’ailleurs toujours vu dans le mouvement indépendantiste que des énervés qui voulaient voir leur flag sur le hood du char. Lui-même ne semble pourtant pas dénué d’une certaine ferveur héraldique, sinon vexillologie. Puisque c’est sous son règne que Sheila Copps a développé un programme d’unifoliation générale du pays.

Un drapeau. C’est le signe d’une identité. On pourra bien dire tout ce qu’on voudra des détails de toute cette histoire de drapeau entre la nageuse Jennifer Carroll et son entraîneur David Johnson, il reste que le drapeau du Québec dérange plus que celui des autres provinces, justement parce que ce n’est pas qu’un drapeau provincial.

Je travaillais récemment sur un projet de film sur des athlètes et tous avaient au moins une anecdote à me raconter au sujet d’un accrochage de ce genre. Les fédérations sportives fédérales canadiennes sont tous des éléments activement à l’œuvre pour cacher l’identité québécoise. Le sport est une usine à fierté pour les gouvernements et au Canada on considère la fierté comme une responsabilité fédérale non partagée. Les gestes spontanés et apolitiques sont réprimandés, voire réprimés, systématiquement.

Le choix d’un survêtement d’entraînement un peu trop bleu peut même être considéré suspect… je n’exagère pas. C’est à se demander qui est le plus obsédé par les flags sur le hood du char. Pendant qu’on se désole dans certains milieux de la fierté québécoise, c’est le Canada qui agit en désespéré en utilisant l’intimidation pour monopoliser la fierté et plaquer son drapeau dessus. Se pourrait-il que ce soit l’identité québécoise, même en phase de dormance, qui soit forte et la canadienne qui se sente fragile et menacée?

C’est peut-être enfantin de vouloir brandir son drapeau, mais en permettant d’être soi-même à la face du monde, ça fait parti de cette petite dose de saint chauvinisme qu’on appelle la fierté. Même la Gazette le reconnaît. On n’est pas torturé pour son identité québécoise au Canada, on voudrait juste nous empêcher d’en être fier. Mais, on l’a vu récemment avec les anciennes républiques soviétiques, les pays baltes et le Timor Oriental, des envers de couverture de dictionnaire, ça se change.

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