« Charest ! »






CHAREST NOURRIT LA DIVISION !


Le 5 avril 2003 - Billet de François Parenteau - (Samedi et rien d’autre SRC-radio 10h)

J’ai regardé le débat comme on regarde le Super Bowl ou un match de hockey. C’était l’occasion idéale pour pratiquer des imitations, voir quels stratagèmes chacun prendrait pour ne pas répondre aux questions, prendre des notes sur les idées suggérées par chacun -j’avais un petit post it jaune et il me restait de la place- et m’aider un peu à décider pour le 14 avril.

On a pu remarquer que Mario Dumont s’enfonçait de plus en plus dans un rire niaiseux de grand garçon gêné qui parle à sa « ma tante ». On a aussi pu voir que Jean Charest se postait souvent comme une guidoune. Et que la gestuelle de M. Landry donnait l’impression qu’il lançait des fléchettes. Jusque là, c’était rigolo.

Mais quand Charest a lancé sa référence à une obscure allocution de Jacques Parizeau devant une centaine d’étudiants à Shawinigan, c’est devenu le match du Vendredi Saint. Ce n’est pas seulement un coup bas dont on peut bien se plaindre, mais du point de vue partisan, est un sacré bon coup. C’est un dérapage démagogique dangereux pour le Québec, et ce, tant pour les fédéralistes que pour les souverainistes. Si M. Charest disait clairement «Je crois au Canada, je crois au Québec dans le Canada», il ferait un travail utile et même noble. Mais il n’essaie pas de convaincre les Québécois des atouts du Canada. Sans doute sait-il la tâche impossible. Mais c’est une autre question! Il cherche à discréditer le mouvement souverainiste en l’associant à de bien honteuses choses comme le racisme.

En ce sens, c’est le politicien le plus Canadien anglais du Québec. On croirait entendre Dyane Francis au Mordecai Richler. Et si on regarde bien, on voit que cette stratégie dépasse la tentation d’un coup d’État frauduleux, mais isolé pour détourner un débat. N’est-ce pas sous sa gouverne et avec la complicité empressée de Lucien Bouchard que le Parti libéral a magouillé pour transformer les propos d’un simple citoyen non élu et que ça devienne l’Affaire Michaud. Que des nationaleux disent des conneries, ça peut arriver. Surtout quand on déforme tout ce qu’ils disent pour que ça ait l’air raciste. Mais depuis que Charest est à Québec, il faut avouer qu’ils (les fédéralistes à Ottawa) ont un puissant haut-parleur. Il distorsionne à fond, mais il crache.

Or, si on revient aux propos de Parizeau, la plupart de ces critiques disent qu’il n’a pas dit de faussetés le 30 octobre 1995. Mais que l’odieux venait du moment dramatique choisi, que cette constatation aurait dû rester un sujet d’analyse statistique et sociologique, mais pas l’objet d’une déclaration solennelle aux allures d’accusations. D’ailleurs, j’ai souvent vu les libéraux se vanter et se trouver une légitimité de l’appui indéfectible d’une majorité d’immigrants à leur parti. Mais ça, ça ne fait jamais la une. Qui est coupable d’envenimer le débat ici? Celui qui a un vieux baril de poison dans ce grenier et qui tente de s’en débarrasser ou celui qui va le chercher pour nous le « pitcher » dans face?

Et Charest a l’outrecuidance de dire que l’idée de souveraineté et le parti qui la propose et qu’il doit battre pour prendre le pouvoir, divise le Québec. Mais le Québec est divisé. Qu’on aime ou non Landry , il a au moins à cœur d’unifier le Québec. La Paix des braves en est une preuve. Le maintien d’une loi linguistique faisant en sorte que le français soit le lieu de rencontre de tous les Québécois en est une autre. Même les fusions forcées avaient au moins ce mérite pour l’Île de Montréal. Mais Charest se nourrit de cette division comme une hyène se goinfre dans une plaie ouverte. Quand il ouvre la porte aux défusions pour mettre de son bord les ex-petits maires de guettos anti-francophones, qui ne veulent rien savoir de vivre dans une ville à majorité francophone et qui rêvent que leur enclave serve d’assise à la partition si on fait l’indépendance, est-ce qu’il fait un travail d’unité? Quand il veut ramener l’anglais dès la maternelle alors que la question ne passionne que quelques colonisés et divisent les experts, il ne vient pas fragiliser un équilibre gagné de haute lutte? Équilibre d’ailleurs à qui plusieurs attribuent le fait que le Québec fasse toujours partie du Canada?

Charest a été éjecté du fédéral et parachuté au Québec pour sauver le Canada. C’est ça son agenda caché à lui. Mais pour réussir sa mission, il utilise des armes toxiques et des bombes à fragmentation qui minent l’avenir du Québec, que ce soit comme pays ou comme province. Car les souverainistes sont aussi des Québécois. Salir leur option par des accusations calomnieuses de racisme, c’est jeter de l’huile sur un feu qui n’est pas encore allumé et auquel il ne suffira que d’une étincelle pour que ça flambe. C’est non seulement indigne d’un PM, c’est indigne d’un chef du Parti libéral. Pour tout dire, ce n’est même pas digne d’une guidoune.

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